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Pause

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  L’heure de la pause, je tente la sieste mais une mouche vient m’agacer, elle bourdonne et se colle à ma peau. Je décide de sortir ; dans la rue, il fait moins chaud que les autres jours, de l’air, vite je respire. Envie de tester le nouveau glacier, je commande une glace à la vanille, avec elle on ne peut pas mentir, si la vanille est bonne alors le reste sera bon. La glace dans un cornet, crémeuse à souhait, ponctuée de petits points noirs qui chatouillent le palais.   Je me dirige vers le parc des Carmes. J’aime bien ce chemin, il parcourt des ruelles, odeur de pierre moisie, des graffitis sur une palissade, des bouquets de fleurs qui s’offrent soudain au détour d’un mur. Je débouche sur une allée, bordée d’arbres elle longe le canal. Je l’appelle ainsi sans vraiment savoir s’il s’agit d’un canal. Au bout le Loir, sa boucle paresseuse d’eau verte et des pontons où souvent des jeunes viennent s’allonger à l’heure du déjeuner.   Juste avant les murs de la mairie cernent...

Jour 2 - Je suis l'homme qui...

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  Je suis l’homme qui vous parle.  L’homme qui vous murmure à l’oreille.  Celui qui vous réveille.  Je suis l’homme qui vous effraie.  L'homme qui vous obsède.  Celui que vous fuyez.  Je suis l’homme dont vous rêvez.  L’homme que vous imaginez.  Celui que vous créez.  Je suis l’homme qui parle.  L’homme qui regarde.  Celui que vous écoutez.  Je suis l’homme que vous déshabillez.  Celui que vous désirez.  L’homme couché. Je suis l’homme cru.  L’homme tendre.  L’homme brutal.  Je suis l’homme que vous cachez.  L’homme que vous abandonnez.  Celui que vous aimez. Je suis l’homme qui rime.  Celui qui vous lit.  Celui qui vous écrit. 

Jour 1 de mon défi d'été : écrire

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Face au vent

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Nous marchions sur la digue quand je m’arrêtai pour regarder une silhouette sur la plage. Un gamin. Que diable fabriquait-il à cette heure ? Le vent forçait, comme toujours lorsque la marée monte. De là où j’étais, j’embrassais toute la côte. Rien n’avait changé ou si peu. La couleur des volets ici, le muret là-bas. Mes parents avaient acheté la maison du bout de la plage, nous y étions venus plusieurs étés. La route était longue et nous arrivions souvent en fin de journée, je me ruais hors de la voiture. A marée basse, la plage se déroulait à l’infini. D’un coup de pied, j’envoyais voler mes chaussures dans l’air déjà sombre. Et je courais, je courais jusqu’à cette ligne d’horizon où le soleil mourait peu à peu. Aujourd’hui tout me semblait étrange : ce ciel intense, que nous ayons possédé cette maison, les colombages de sa façade, que je me sois penchée par ces fenêtres grandes ouvertes sur la Manche. A l’intérieur, le froid vous saisissait, une vraie glaciaire disait ma mère. Les p...

Sous le pont

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© photo Vincent Midolo J’apprends à lire dans les nuages. J’aime les ciels comme aujourd’hui, plein de formes bizarres et dans chacune une histoire. Un bon génie sort d’une lampe, il se transforme en dragon, un chat géant court dans la forêt et dans le grenier de la chaumière, des souris dansent. Le temps passe vite quand je lis dans le ciel. Je n’aime pas les jours gris. Je m’ennuie. Alors ces jours-là, je m’entraîne à écrire sur le fil électrique. Comme une ligne tracée dans le ciel où je m’applique à poser mes lettres du bout de mon doigt. J’essaye de me souvenir de ce que le vieux disait - les boucles, fais attention aux boucles et ne lève pas ton stylo tant que tu ne les pas finies. Quelquefois j’ai le doigt raide à force de répéter le geste. Après, je regarde mes lettres s’envoler dans le ciel. Je me demande où elles partent. Elles me font penser aux hirondelles quand elles s’élancent vers le soleil. Je rêve qu'elles m'emmènent avec elles. Quand je me réveille, j’entend...

Pages brûlées

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  photo © Vincent Midolo Le vieux nous avait appris à lire dans ce livre, il nous l’avait apporté un soir dans la cave. Il nous faisait ânonner les syllabes. Un jour, Momo avait reconnu tout seul les premières lettres de son prénom, le vieux avait dit - c’est bien Momo, continue et bientôt tu sauras lire. Momo était fier et il avait couru dans le couloir en gueulant - Je sais lire, je sais lire ! A quoi ça a servi ? Les autres sont venus, le vieux et Momo ont disparu. Il ne reste plus que des pages brûlées. Fabienne Boidot-Forget  2 février 2025  Texte écrit dans le cadre  de l'atelier d'écriture d'Alexandra Koszelyk  D'après la photo de Vincent Midolo

La pianiste

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© photo Vincent Midolo J’écoute Listz ou plutôt je regarde Listz. Il a ce soir le visage d’une femme. Cheveux blonds. Vénitiens. Je vois son profil incliné au-dessus du clavier du piano. Steinway. Je lis les lettres d’or, elles scintillent sur le vernis noir. Les notes vont et viennent, un homme respire fort derrière moi. Silence. La main droite chante a dit la pianiste en préambule, ou bien était-ce la gauche ? Je ne suis pas pianiste. Mouvement. A deux bras de moi, la pianiste a un corps secoué, désarticulé soudain, les jambes possédées, le bras en arabesque. Danse assise au tabouret. Ce pourrait être le titre d’un tableau. Je penche vers la gauche. La courbe du piano. J’entraperçois le clavier, la main droite court sur les touches. Dominos blancs, crénelage noir. J’entends un cœur qui bat. Le mien. Une larme sur ma joue. Et c’est à ce moment qu'apparaît la photo. Fabienne Boidot-Forget  26 janvier 2025  Texte écrit dans le cadre  de l'atelier d'écriture d'Alexandr...